Remedee Labs ou le rêve impossible d’un Robinson Crusoé isolé sur son île…

Alban Oudin, VC à XAnge (Groupe Siparex), a publié le 15 octobre 2019 sur Medium, un texte extrêmement pertinent et qui ÀMHA a vocation à devenir un classique. Son titre est Deeptech : de l’importance d’un cofondateur « business ».

Dans son article, Alban a notamment écrit

les entrepreneurs doivent travailler avec des ingénieurs pour « productiser » les travaux de recherche. Ces dirigeants ont en général un bagage scientifique exceptionnel, mais peu d’entre eux arrivent à le conjuguer avec des compétences business et marketing. (je me suis autorisé à changer les mots mis en gras initialement par l’auteur)

S’il y a un entrepreneur qui a su intégrer avant l’heure ces recommandations, c’est bien Hugo Mercier, cofondateur de la start-up Dreem. Je lui avais consacré un post le 3 mars 2019 après avoir lu son livre À la conquête du sommeil. Je vous donne un court extrait remastérisé de ma prose de l’époque

La courte épopée de Dreem constitue déjà une success-story dans les Deeptech. Elle a su (1- ) se saisir des travaux de recherche d’un laboratoire public et (2- ) mettre au point une première application concrète en réponse à (3- ) une demande validée.

Le 27 novembre 2019, Rand Hindi était face à Sébastien Couasnon sur BFMTV. Rand est en cours de création d’une énième start-up… cette fois Deeptech de Deeptech, dans le domaine de la cryptographie. Après avoir exposé sa propre fable de la vente de Snips à Sonos, il était aussi venu sur le plateau de Tech&Co pour plaider sa nouvelle cause à la fin de l’interview

Pour financer ce genre d’entreprise, il faut un prisme sur 10 ans… Ok cette boite là ne fera pas d’argent pendant 5, 6, 10 ans… (à partir de 9:00)

Dreem est la démonstration que l’on n’a pas à attendre patiemment 10 longues années pour tout juste commencer à réfléchir sur la commercialisation… même pour une Deeptech.

Des entreprecheurs (concaténation libre des mots entrepreneurs et chercheurs) resteront toujours attirés par la promesse de disposer d’une décennie de tranquillité, garantie et protégée par l’équivalent français du 5ème amendement de la constitution américaine. Je veux parler du 4ème critère de la BPI, un go-to-market long et complexe.

Le cinquième amendement de la Constitution des États-Unis permet à tout citoyen américain de refuser de témoigner contre lui-même dans une affaire pénale. (extrait du site senat.fr)

Le quatrième critère de la Banque Publique d’Investissement permettra à tout entreprecheur d’une Deeptech ne pas avoir à se justifier auprès de ses financeurs, de l’absence totale de chiffre d’affaires pendant 10 ans.

Elle est pas belle la vie ?

À force d’arrosages répétés d’argent public français et bientôt européen, on risquera alors d’assister à l’explosion d’un immense futur bourbier. Aucune des start-up “les plus prometteuses” sélectionnées par ces plans publics d’investissements Deeptech, ne réussira à décoller sur un marché global qui ne les aura malheureusement pas attendues jusqu’en 2030 voir au delà…

Je vous propose une analyse de Remedee Labs à titre d’illustration et de prévention de ces dangers mortifères.

Remedee Labs est une SAS au capital de 89 389,20 euros créée le 6 décembre 2016 à Meylan (38) par Jacques Husser (président & CEO), David Crouzier (CSO) et Michael Foerster (CTO). Elle veut mettre au point le premier stimulateur d’endorphine par ondes millimétriques à usage individuel contre la douleur.

Sa solution brevetée stimule la libération par le cerveau d’analgésiques naturels afin de supprimer toute souffrance. Elle est développée à partir d’une puce conçue par le CEA Leti en collaboration avec STMicroélectronics. La principale innovation résiderait dans la miniaturisation de l’électronique embarquée.

Le récit de Hugo Mercier constitue une grille d’analyse pertinente afin de mesurer le potentiel de n’importe quelle Deeptech. J’ai passé Remedee Labs au peigne fin des 10 leçons tirées de la lecture de son ouvrage. Pour l’instant, la start-up a déjà raté le coche de 3 d’entre elles. Je vous propose de nous concentrer sur ces 3 Leçons de Dreem Ratées avant de faire appel à la fonction Miroir Magique de Kchehck.

Leçon de Dreeem #2 Ratée : Constituer une communauté

Il ne faut pas attendre d’avoir terminé de productiser les travaux de recherche d’un laboratoire public pour commencer à se préoccuper de créer et de faire grossir une communauté de fans. Il faut s’en occuper dès le premier jour.

Ce n’est pas David Meerman Scott qui me démentirait. Tout est dit dans le titre de son prochain livre qui sortira en anglais le 7 janvier 2020 sur le sujet

Fanocracy : Turning Fans into Customers and Customers into Fans

Il n’y a pas le plus petit début du développement d’une communauté visible pour une entreprise qui va pourtant sur sa 4ème année. Pas de blog, pas de tweets, pas de page Facebook. Le vide social est sidérant et sidéral. Bref, en 3 mots, je suis sidéré !

J’ai parfois l’impression que les millions d’euros déversés sur une start-up finissent par l’anesthésier jusqu’à lui faire oublier sa première raison d’être, construire et entretenir un mécanisme d’horlogerie afin de produire de nouvelles richesses.

Leçon de Dreem #3 Ratée : Prioriser les solutions

Le “en même temps” de Remedee Labs me donne mal à la tête.

Comme un enfant qui commence à marcher, Remedee Labs veut aller partout et toucher à tout. Elle précise sur la page d’accueil de son site

Plusieurs essais cliniques portant sur des applications spécifiques de la douleur sont déjà en cours.

Elle y met dans un même sac de nœuds, la douleur chirurgicale, l’arthrose et la migraine…

Cela donne le sentiment que Remeede Labs a pour ambition d’inventer le couteau suisse contre les douleurs.

Elle devrait par exemple se concentrer exclusivement sur la lutte contre la migraine. Ce serait déjà une énorme opportunité quand on songe à la consommation d’acide acétylsalicylique & cie dès qu’on a un léger mal de crane.

Leçon de Dreem #7 Ratée : A no bullshit policy

Le 28 novembre 2019, Garry Tan, cofondateur du fonds d’investissement Initialized tweetait

Give all the startup advice you want but please never advise new founders to lie about anything. It’s fraud.

J’ai déjà noté un doux mensonge dans la courte vie de la jeune pousse. Heureusement que nous sommes plus tolérant en France sur l’interprétation d’une inexactitude. On préférera la qualifier plus facilement de petite tromperie que de fraude…

Remedee Labs vient d’annoncer une levée de fonds de 11 millions d’euros.

Cette somme est en fait l’addition de plusieurs montants reçus depuis sa naissance. Dans un excellent article de La Tribune, Sylvain Rolland remet ainsi les pendules à l’heure

Une somme un peu trompeuse, qui comprend en réalité trois opérations : un tour de table de 6 millions d’euros auprès du Hardware Club, finalisé l’été dernier avec la participation de Habert-Dassault Finance, Partech, C4 Ventures, Supernova Invest et des investisseurs privés, ainsi qu’une dotation de 2,5 millions d’euros de Bpifrance et 2,5 millions d’euros levés en amorçage en 2016 mais non révélés à l’époque.

Le Miroir Magique de Kchehck emprunté à la Reine dans Blanche-Neige

Remedee Labs est peut-être la première start-up à utiliser les ondes millimétriques pour concevoir un hardware contre les douleurs mais elle n’est pas la pionnière à vouloir les amoindrir avec des ondulations.

Il existe aussi la thérapie par champs électromagnétiques pulsés. Elle est pratiquée par Oska Wellness. Son produit est disponible sur Amazon.com depuis février 2018.

PEMF technology (Pulsed electromagnetic field) has existed for more than 60 years and has been clinically proven in over 10,000 studies to be effective. Typically used in clinical settings, our engineers, researchers and scientists uncovered an opportunity to miniaturize the technology and create a portable, wearable and shareable device. Developed in Australia and designed and manufactured in the United States, the Oska Pulse was born. (extrait de la page about du site web)

Elle constitue une concurrence aussi immédiate que redoutable. En plus, je ne suis pas sûr que le consommateur saura faire la distinction entre deux technologies cousines.

Oska Wellness a développé une communauté grâce à son blog qui contient de nombreux posts depuis le plus ancien publié le 23 mars 2017. On y apprend que leur solution est utilisée par les Navy Seals & U.S. Special Forces.

Oska Wellness a 13 400 personnes abonnées à son compte Twitter et elle a une communauté de 29 049 fans sur sa page Facebook.

Ah j’oubliais, le prix du Oska Pulse est déjà passé de 399 à  299 dollars avec une remise de 40 dollars supplémentaire pour les militaires U.S..

Kchehck venait à peine de présenter Friday à Robinson Crusoé pour qu’il se sente moins seul !

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