Payfit est une société par actions simplifiée, domiciliée à Paris, cofondée par Firmin Zochetto, son président, Ghislain Gouhier de Fontenay, son directeur général/CTO et Florian Fournier, son CPO. Elle a reçu à ce jour, principalement de la part de Kima Ventures, Otium Capital et Accel Partners, près de 20 millions d’euros d’après Crunchbase.
La start-up a développé une solution complète de gestion de la paie en ligne, débordante aujourd’hui à d’autres aspects des ressources humaines en terme de fonctionnalités. Cette application a la prétention de gommer toute la complexité des 3 546 pages de notre volumineux Code du travail et des plus de 200 conventions collectives qui le complètent. Tout ce travail titanesque de simplification serait facilité, grâce à un nouveau langage informatique universel maison, le Jetlang.
Le déploiement de son offre SaaS chez les clients est en cours dans un premier temps en France, puis dans le reste de l’Europe en commençant par l’Espagne et enfin il devrait s’étendre aux autres pays. Pour la planète Mars, il faudra au moins encore patienter qu’elle soit colonisée avec l’aide de la famille Musk…😉
En attendant, le prix affiché publiquement pour une entreprise de 25 salariés est de 449 euros par mois ou 5 388 euros à l’année, sans obligation contractuelle d’une durée minimum :
our actual payroll pricing is 99€ / month / company + 14€ / month / user. The monthly deal value for a company of 25 people will be = 99 + (14 x 25) = 449 €.
Les fondateurs de Payfit n’ont aucune expérience au départ, de l’expertise-comptable ou du droit social, à la différence de Frédéric Malot, expert-comptable de formation et fondateur du concurrent Rue de la paye dont la société vient d’être rachetée par Cegedim…
Qu’à cela ne tienne, il faut avouer que Payfit a un talent plus que certain pour le story-telling mediumisé dont la portée est amplifiée efficacement avec l’aide ponctuelle des tweets de Jean de La Rochebrochard de Kima Ventures.
1er tweet daté du 26 avril 2018 :
Ce look de super hero! 😎
Firmin, le Clark Kent de la paie.💪
Avec tous les Payfiters en Avengers… 🚀kima
et ce 2ème tweet plus ancien du 29 décembre 2017 :
Just putting this here for the record ✍️ @payfit will be worth billions (yes, this is plural) 💸 As @pmarca once said: The best startups just radiate quality end to end.
Il est communément admis qu’une start-up décroche le statut de licorne si les transactions privées portant sur ses actions, se font sur la base d’au moins un milliard d’euros ou de dollars de valorisation. ÀMHA, les super-pouvoirs loués par 2lr à Firmin ne seront pas de trop effectivement, afin d’atteindre ce qualificatif mythique encore envié.
Plafond de verre #1 : Les clients de Payfit n’ont pas encore vécu leur premier contrôle de l’Urssaf
Il est assez facile de faire un bulletin de salaire, Excel peut très bien suffire. La réelle difficulté, c’est de coller aux milliers de pages de la législation du travail afin d’éviter un redressement Urssaf souvent onéreux. C’est peut-être pour cela qu’on demande aux futurs payfiters d’être Urssaf friendly sans la citer nominativement, à l’image de cet extrait d’une ancienne offre d’emploi :
Maintenir d’excellentes relations avec les organismes sociaux
Le système français de gestion des cotisations sociales obligatoires est basé sur le déclaratif pour toutes les entreprises, grandes ou petites, ce qui signifie que les contrôles de l’Urssaf constituent une démarche tout ce qu’il y a de plus normale et de prévisible.
Le site ledroitpourmoi nous informe qu’en moyenne une entreprise est contrôlée tous les 3 à 5 ans et que la vérification a lieu exclusivement sur l’année en cours et au plus sur les 3 dernières années civiles précédentes. Elle a pour objectif de valider les règles de calcul appliquées et que l’entreprise ait payé les bons montants de cotisations…
Payfit a été créée le 14 septembre 2015, il y a 2 ans et 8 mois environ. Ce délai est très important car il signifie que ses clients n’ont pas encore statistiquement subi le feu d’un contrôle de l’Urssaf depuis leurs débuts avec Payfit.
Ils peuvent générer les fiches de paie de leurs salariés sans rien connaître au droit social et aux règles de l’Urssaf... Mais attention simplicité de son utilisation ne veut pas forcément dire tranquillité de l’esprit à moyen terme. Le site web Ayming nous apprend notamment que le montant des régularisations suite à contrôle Urssaf dépasse 1,4 milliard d’euros !
On réalise alors toute la valeur d’un comptable expérimenté dans l’accompagnement nécessaire dès le premier jour d’un contrôle, quelque soit l’application de paie utilisée.
Le réel niveau de satisfaction du client vis à vis de Payfit ne sera donc établi qu’après avoir surmonté cette épreuve. Il ne faudrait pas que simplicité signifie interprétation simpliste des règles dans l’œil aguerri du contrôleur missionné.
Espérons que le contrôle Urssaf ne soit pas la kryptonite de notre héros national.
Je laisse les maux de la fin de ce 1er plafond de verre à Thomas Chardin, réagissant le 26 octobre 2016 à l‘excellent article de Payjob consacré à un test de Payfit.
Là est effectivement la question : faire simple avec un sujet aussi complexe et évolutif que la paie est particulièrement difficile. Ce n’est pas la justesse des 95% des bulletins de paie qui pose problème mais celle des 5% de cas particuliers. Une paie peut-elle être conforme pour 95% des cas ? Une paie simple et juste mais partielle est-elle utile ?
Plafond de verre #2 : Une clientèle composée majoritairement de start-up parisiennes
Payfit se présente comme une entreprise cool, ce qui peut être un argument de vente vis à vis de clients milleniums qui ne sont pas des experts de la comptabilité et ont malgré tout créé une start-up. Il n’est pas garanti que les PME soient aussi sensibles à la coolitude pour les convaincre d’abandonner leur solution Sage ou équivalent. Les écrans de Sage Paie ne sont peut-être pas aussi sexy que ceux de Payfit, mais ils ont eu le temps de prouver leur efficacité auprès de leurs clients.
Difficulté supplémentaire, Payfit me semble avoir fait abstraction du rôle des experts-comptables et elle n’a pas développé une communauté autour d’eux, à la différence de ses concurrents, que ce soit l’américain Gusto ou le français Rue de la Paye.
Plafond de verre #3 : Un marché jusqu’à présent uniquement franco-français
Payfit vient d’inaugurer un premier bureau à Barcelone. Souhaitons que l’Espagne ne soit pas son Waterloo comme pour Save qui en avait sous-estimé la complexité. Pour attirer 20 millions d’euros, elle a dû certainement promettre la duplication simple de son modèle dans les autres pays…
Cet article relate des propos d’un professionnel habitué à une concurrence savamment contrôlé entre confrères de l’ordre au seul avantage de leurs propres cabinets, et qui craint qu’un « incontrôlable » ne prenne vraiment trop d’ampleur.
Il agite donc pour faire peur, le traditionnel « ils ne sont pas diplômés, ils n’y connaissent donc rien ».
Si les clients de Payfit, qui comme l’affirme l’article n’auraient pas encore subit de contrôle Urssaf, on peut se poser la question de savoir qui s’occupe des entreprises victimes des 1,4 milliard d’euros de redressement Urssaf également cités.
S’il suffisait de s’entourer d’un expert-comptable pour sortir à coup sûr indemne d’un contrôle Urssaf ou fiscal, ça se saurait.
Merci pour votre commentaire mais pour répondre à la question posée par le professionnel “Une paie peut-elle être conforme pour 95% des cas ? Une paie simple et juste mais partielle est-elle utile ?”, il faudra avoir la patience d’attendre le délai de 5 ans, statistique de la visite de l’inspecteur de l’Urssaf, chez chaque client de Payfit, qui seul pourra répondre finalement à la question posée.
Je ne suis pas d’accord avec votre dernière phrase, car “ayant subi” il y a quelques années un double contrôle Urssaf et fiscal, je peux vous dire que j’ai été bien content d’avoir l’assistance de mon expert-comptable et tout s’est très bien terminé !
Au fait simple curiosité, accepteriez-vous de vous faire opérer par un chirurgien non diplômé ?
Effectivement, je refuserai catégoriquement d’être opéré par un chirurgien non diplômé et pour ne rien vous cacher, je m’attendais à cette trop facile comparaison.
La mise en œuvre du diplôme de ces métiers ne sont pas comparables.
Celui du médecin donne un droit d’exercer à titre personnel alors que celui des experts-comptables donne un droit d’exercer bien sûr mais aussi à l’exclusivité de faire exercer.
Les cabinets comptables sont, pour les plus gros, devenus de véritables machines à cash. Certains ayant plus de 400 clients par expert-comptable diplômés. La gestion des plus petits mais plus nombreux clients est donc confiée à des collaborateurs.
Vous semblez ignorer que de très nombreux cabinets comptables, les plus petits notamment, sous-traitent la partie sociale de leurs missions auprès d’entreprises spécialistes de ce domaine pas nécessairement tenues par des diplômés de l’expertise comptable. Preuve s’il en est que c’est possible.
Je suis ravi pour vous que vos contrôles URSSAF et fiscal se soient bien terminés. Mais vous ne répondez pas à ma question de qui s’occuppait de ceux qui en ont été victimes.
Et vous, même si les premières font un boulot formidable, accepteriez vous de vous faire opérer par une infirmière de bloc opératoire ou par un sous-traitant inconnu fussent-ils sous la responsabilité d’un chirurgien diplômé ?
Wait and See et en attendant flinguez avec plus de modération.
C’est bien pour cela que le juge de paix au final c’est notre fameux contrôleur/inspecteur de l’URSSAF. Ce n’est pas un problème que votre expert-comptable ne réalise pas lui-même les bulletins de salaire, je serais même inquiet du contraire concernant la gestion de son temps. Comme les contrôles sont inévitables, le plus important c’est qu’il soit responsable de leur établissement et qu’il soit présent en cas d’erreurs constatées dans les conclusions du contrôle. Etre opéré par une infirmière sous la supervision d’un chirurgien, pourquoi pas si les circonstances l’exigent (encombrement des hôpitaux à la suite d’un attentat par exemple). Quant à votre dernière phrase, vous semblez confondre le médecin et son diagnostic pour rester dans la métaphore médicale. Relisez encore une fois mon post sur Payfit, vous verrez qu’il contient l’essentiel pour leur établir une ordonnance efficace puisque vous paraissez très proche de l’entreprise ou de certains de ses dirigeants.
Le cas Payfit est intéressant.
Le marché du logiciel de paie est trusté par un nombre limité d’éditeurs (35 si on compte large, 10 se répartissent 80% du marché).
Le marché connait une forte barrière à l’entrée, notamment en France, due à la complexité (plus de 100 évolutions légales et jurisprudentielles impactent le bulletin de paie chaque année) et à la volatilité réglementaire (dernier exemple en date le prélèvement à la source dont il avait été imaginé régulièrement la mise en place depuis… 1973). Il est donc intéressant de remettre en cause des oligopoles qui n’ont pas connu beaucoup d’innovations sur les 10 ou 15 dernières années.
Dans ce cadre, Payfit est à mon avis un acteur bienvenu pour bouger les lignes et apporter de la valeur d’usage à un marché qui en a bien besoin, notamment celui des TPE. Encore faudrait-il qualifier la valeur proposée. Décréter la disruption ne suffit pas à dégager une valeur ajoutée quelconque sauf pour les entreprises qui se reconnaissent dans cette promesse.
Je reconnais sans conteste le succès de Payfit dont nombre de start-up avec lesquelles je discute me vante les mérites. Sa levée de fond est très conséquente et comme j’ai pu en témoigner sur les réseaux sociaux je félicite les trois fondateurs (je pense qu’ils ne m’ont attendu pour cela :-)) . L’innovation principale ne semble pas dans les fonctionnalités ou le concept mais dans l’outil de développement technique particulièrement performant.
Je m’interroge néanmoins sur la dynamique de développement marketing (stratégie d’adressage du marché). Adresser avec la même solution le marché de la TPE, de la PME et des grands comptes, tous secteurs confondus, en traitant de toutes les conventions collectives, me semblent particulièrement ardu, voire impossible. Et si on adresse le marché européen, la chose me semble… étrange. En paie, le diable est dans le détail.
Bon, ceci étant dit, avec 20 millions d’euros de développement, le détail peut être adressé au fil de l’eau. La Team Payfit a le temps de voir venir.
Merci Thomas pour votre appréciation détaillée de Payfit et la démonstration une nouvelle fois de votre expertise sur un sujet très complexe.
Malheureusement je ne suis pas sûr que 20 millions d’euros soient suffisants pour adresser les 100% de cas ou même que cela ne soit qu’une question d’argent.
En janvier 1986, Challenger explosait après son décollage de Cap Canaveral pour un “détail”, un joint, malgré le fait que la NASA n’avait pas lésiné sur le budget.
Aujourd’hui dans la Silicon Valley, on conseille aux start-up de vendre le plus rapidement possible à des entreprises en dehors de leur ecosystème.
Pour l’instant, les références clients de Payfit me semblent appartenir en grande majorité à la galaxie de Xavier Niel/Kima Ventures. Payfit saura-t-elle exporter son service en dehors ?
Esa es la pregunta !