La Source, plus connue sous le nom de Agriloops est une société par actions simplifiée au capital de 17 260 euros, cofondée le 27 juin 2016 à Montreuil dans le 93 (Département de la Seine-Saint-Denis) par 2 jeunes ingénieurs agronomes, Jérémie Cognard, son CEO et Romain Vandame, son CTO.
Les deux entrepreneurs, atteints de Crevettitude urbaine aigue, sont totalement rompus à l’exercice du pitch efficace et ont ainsi capté toute sorte de prix et de subventions. Sans demander leur avis d’ailleurs aux crevettes des mangroves de l’île de Madagascar, ils veulent délocaliser leur élevage dans des bassins en eau salée et chauffée par des rejets industriels situés dans la région parisienne. Je ne suis pas sûr que ces crustacés se montrent très sensibles à l’argument écologique si on leur demandait leur opinion. La vie d’une crevette est déjà suffisamment courte pour leur faire abandonner aussi facilement l’océan indien ! 😉
Plus sérieusement, Agriloops pratique pour l’instant en laboratoire, l’aquaponie en eau salée, c’est-à-dire ici, l’association de l’aquaculture de crevettes et de la production sous serre de végétaux (tomates cerises, mesclun de la mer), tolérants à l’eau salée et alimentés par les déchets organiques des Decapoda.
L’avantage principal est de garantir la fraîcheur des crevettes grâce à un circuit court entre le lieu de production et les consommateurs potentiels.
Afin de financer la création à Rennes d’un prototype industrialisable des futures fermes aquaponiques, disponible en 2019, Agriloops a commencé début mars une campagne de financement participatif sur la plateforme Sowefund. La start-up recherche 500 000 euros contre 16,67% du capital avec un objectif financier minimum de 350 000 euros. Elle se donne 2 à 3 mois pour y parvenir. Le montant minimum pour participer est de 300 euros via une société holding créée pour l’occasion ou de 50 000 euros pour avoir le privilège d’être actionnaire directement de la start-up.
Je trouve personnellement le montant de la valorisation (2 500 000 euros) particulièrement salé alors qu’il y a encore 3 oops.
Oops #1 : L’espace nécessaire à l’élevage est totalement évacué
D’après un article du journal Le Monde, la société OSO produit 6 000 tonnes annuelles de crevettes bio à Madagascar sur une surface de 3 500 hectares. Cela fait 1,7 tonne pour un hectare. Il faudrait donc à Agriloops, 11,76 hectares pour produire 20 tonnes, objectif de leur première ferme de crevettes ayant un chiffre d’affaires prévisionnel de seulement 1 million d’euros. Cela pose la question de la faisabilité et de la rentabilité de ce type d’élevage en France…
Je n’ai pas vu non plus une analyse chiffrée de la quantité d’eau de Suez ou de Veolia, nécessaire pour produire ces crevettes en semi-intensif ou extensif,…
Je renvoie les créateurs de Agriloops à la lecture de ce guide très détaillé sur l’élevage de la crevette. En tant qu’investisseur potentiel, je suis en droit d’attendre le même niveau d’information de la part de la start-up.
Oops #2 : Un positionnement haut de gamme difficile à établir entre la crevette Bio et la crevette Label Rouge
Agriloops propose des crevettes fraiches, garanties jamais congelées, de gros calibres de 30 grammes et enfin made in France. Je ne suis pas sûr que cela soit suffisant pour que la crevette francilienne trouve sa place dans nos assiettes, surtout que son goût n’a pas encore été testé et certifié par de fines gueules reconnues. Alors le consommateur sera-t-il au rendez-vous ? Pour l’instant il n’y a pas de communauté de shrimp lovers présente sur sa page Facebook ou sur son compte Twitter, avec seulement 173 et 181 followers respectivement au dimanche 25 mars 2018.
Oops #3 : Le risque épidémique important pour ce type d’élevage n’est pas analysé et pris en compte. Cela pose pourtant la question du taux de mortalité et de son incidence sur la rentabilité de l’opération.
Il me semble plus que prématuré dans ces conditions de vouloir tirer des plans sur la comète, surtout à 5 ans…
Excellent. ils ont répondu ?
Merci Benoît pour votre appréciation. Non je n’ai eu aucune réaction des co-fondateurs.
Bonjour Monsieur Nizon, voici ce que Panoramix, notre druide, vous dirait au sujet de nos crevettes :
Je comprends que vous vous inquiétiez du devenir des crevettes se trouvant dans l’Océan Indien (Pacifique ou Atlantique aussi d’ailleurs) mais la relocalisation de ces productions se fait dans le respect du bien-être animal et de l’environnement. En effet, en plus d’être élevé dans des zones de mangroves déforestées, les crevettes élevées de manières conventionnelles subissent plusieurs traitements antibiotiques et chimiques avant d’être congelés et transportés sur environ 10 000 km dans des containers réfrigérés !
C’est aussi dans l’intérêt du consommateur : cela permet d’avoir une crevette plus gouteuse et plus saine puisque garantie jamais congelée et élevée sans antibiotique.
Pour rentrer plus dans le détail voici nos 3 Loops qui répondent à vos Oops :
Loops #1 : En effet, il est nécessaire d’avoir un espace très conséquent lorsqu’on élève des crevettes en milieu ouvert mais lorsqu’on les élèves en milieu contrôlé et en bassin il est possible de faire beaucoup de choses sur peu d’espaces grâce à un peu d’ingéniosité. Ainsi une production de 20 tonnes de crevettes et 40 tonnes de légumes nécessitera « seulement » 2000 m2 (et non 12 ha).
Ensuite, le guide que vous proposez est effectivement très complet mais vous comprendrez bien que nous n’allons pas dévoiler à tout le monde notre savoir-faire et nos actifs de propriété intellectuelle à ce stade de l’aventure
Loops#2 : Afin d’assoir nos convictions nous sommes allés au contact des consommateurs et de nos futurs clients. Nous avons interviewé plusieurs restaurateurs, poissonneries, épiceries fines mais aussi plusieurs grossistes et retailers. Et nous en revenons avec de très bons retours : la demande est là aujourd’hui pour des produits de la mer locaux, plus sains et plus respectueux de l’environnement (cf. avis et compte-rendus sur Sowefund) !
Loops #3 : Comme nous l’évoquons sur Sowefund, nous prenons très au sérieux les risques sanitaires ou « épidémiques ». C’est pourquoi nous avons dans notre équipe un vétérinaire aquacole expérimenté et un spécialiste de l’aquaculture avec qui nous concevons un système de production qui nous permettra d’assurer une sécurité sanitaire maximale grâce à un design de nos bassins très spécifique mais aussi grâce au monitoring et aux différents capteurs implantés dans notre système de production !
Si vous souhaitez en savoir plus, nous vous invitons à prendre directement contact avec nous via notre site web ou via linkedin.
Maintenant que nos Loops ont répondus à vos Oops, vous pouvez nous rejoindre sur https://sowefund.com/projet/46/agriloops
Les Loopsters du Village d’Astérix le Gaulois
Bonsoir Jérémie,
Je salue votre initiative rare de prendre le temps de répondre et d’argumenter, de Loops à Ooops comme vous dites, pour que chacun puisse se décider sur votre offre d’investissement. Cette réponse vous honore en tant qu’entrepreneur et mérite déjà d’être saluée.
Sans révéler de secret, vous devriez communiquer la densité de crevettes au M3 d’eau puisque vous donnez la superficie nécessaire pour votre exploitation. Vous ne devriez vous comparer qu’à la crevette label rouge ou bio donc sans antibiotique, si vous maintenez votre positionnement haut de gamme. Attention votre indication de surface nécessaire pour produire me fait un peu penser à un remake de l’usine de Jacques Tricatel dans L’Aile ou la cuisse.
Vous ne pouvez pas encore parler de goût avant que Charles Duchemin ait goûté vos crevettes pour rester dans la même analogie cinématographique.
Vous avez un gros travail marketing en terme de positionnement et vous devriez travailler à faire grossir une communauté de shrimp lovers sur les réseaux sociaux.
Attention des intentions d’achat sont généralement très trompeuses car il est prouvé que les personnes disent par facilité ce que vous avez envie d’entendre… Sur ce thème je vous recommande le livre Small data de Martin Lindstrom qui contient des exemples concrets.
Bon vent pour la suite.
Michel