La start-up Alchema Inc a été enregistrée dans l’État américain du Delaware le 25 novembre 2015 et a son siège social à San Francisco. Elle a trois jeunes dirigeants taïwanais : Oscar Chang (CEO), Young Yang (CTO) et Angel Huang (COO). Elle a conçu un objet connecté, afin que vous puissiez produire dans votre cuisine, différents cidres, sans que vous ayez besoin de connaissances techniques particulières.
En théorie, c’est plus fort que la D-vine, qui elle, se contente de mettre à la bonne température, une sélection de plus ou moins grands crus, sans prétendre encore transformer l’eau en vin.
Ce que l’on pourrait désigner sous le nom de cidrerie miniature, se présente sous la forme d’une grosse bouilloire électrique sans poignets. Elle s’ouvre manuellement sur un côté et contient un pichet transparent d’un volume de 2,4 litres. Elle est munie de 2 capteurs, le premier pour permettre le calcul automatique du poids de chaque ingrédient et le second pour surveiller le niveau de fermentation des fruits. Elle est aussi équipée de diodes LED UV supposées tuer toutes les bactéries et d’une valve pour évacuer le surplus de gaz émis pendant toute la durée de fermentation.
Une fois que vous aurez ajouté dans le pichet vos morceaux de pommes crues non épluchées, versé de l’eau, mis du sucre et de la levure aux quantités dictées par les algorithmes téléchargés sur votre smartphone, vous devrez patienter une quinzaine de jours pour recevoir une notification de l’application Alchema, avant de pouvoir déguster votre précieux breuvage alcoolisé.
Le logiciel Alchema vous propose plusieurs recettes utilisant des fruits différents : fraises, framboises, pommes, ananas,… La machine sera commercialisée à 499 dollars. Aux prix des fruits et de l’amortissement de la machine, ce pseudo cidre reviendra certainement beaucoup plus cher que son achat en bouteilles…
Alchema Inc vise ainsi le marché du Do-It-Yourself pour hipsters amateurs de cidre.
C’est un marché potentiel très très étroit entre celui bien réel des purs hobbyistes qui maîtrisent toutes les étapes de la fabrication du cidre et celui des simples amateurs d’un bon cidre artisanal ou industriel. Bref, ce n’est pas demain que la cidrerie Le P’tit Fausset, qui produit mon cidre préféré, sera concurrencée par Alchema !
Alchema Inc a lancé une campagne d’Equity Crowdfunding sur la plateforme MicroVentures pour financer l’industrialisation et le marketing de son appareil. Elle offre comme Comicblitz, des obligations convertibles sous la forme de SAFE. Elle recherche 500 000 dollars, ce qui correspond à la limite légale pour éviter de devoir présenter des comptes audités. Vous pouvez contribuer à partir de 100 dollars.
L’objectif Financier Minimum est de 50 000 dollars sur la base d’une valorisation de 3 millions de dollars avec un discount de 20%. Le vendredi 17 mars 2017 au matin, Alchema Inc a collecté 50 542 dollars auprès de 100 investisseurs. Il reste 40 jours de campagne pour atteindre le demi-million de dollars convoité.
Je vous présente les 2 raisons principales pour lesquelles j’ai décidé de ne pas contribuer personnellement à la campagne d’Alchema Inc.
Raison Principale #1 : Le péché capital du Crowdfunding
Avant de faire appel à l’Equity Crowdfunding, Alchema Inc a déjà mené avec succès une première campagne de Crowdfunding sur Kickstarter. Elle a débuté le 26 juillet 2016 et s’est terminée le 9 septembre suivant avec une collecte totale de 344 231 dollars auprès de 899 contributeurs. La contrepartie promise est la machine avec une date de livraison prévisionnelle à partir de juillet 2017.
En fait Alchema Inc a besoin des 500 000 dollars supplémentaires de MicroVentures pour pouvoir financer la fabrication nécessaire afin de pouvoir livrer les machines Kickstarter. C’est ce que Dan Shapiro a nommé le péché capital du Crowdfunding.
Raison Principale #2 : Le syndrome de l’hologramme de la Princesse Léia
Comme pour la campagne de Crowdfunding de l’imprimante 3D Tiko, je suis incapable de valider qu’Alchema Inc a bien un prototype fonctionnel prêt à être industrialisé. Le film publicitaire d’introduction nous présente la fiction d’un groupe d’amis réunis autour d’une piscine dégustant le breuvage exquis, résultat supposé de la fermentation réussie de différents fruits, avec la fameuse machine à faire du cidre.
Dans cette vidéo, on ne voit pas le pichet sortir de la machine à la fin du processus de fermentation et le procédé préalable indispensable avant consommation, de filtration de tous les résidus organiques.
On peut observer le pichet à côté de la machine suggérant qu’il vient de sortir de la machine sans aucune manipulation ou trucage. Des morceaux de pommes flottent à la surface d’un liquide couleur jus de pomme. Leur apparence physique n’a miraculeusement pas été modifié par ce long séjour d’enfermement forcé à température ambiante extérieure de la cuisine d’une villa californienne. Est-ce que cette machine est réellement capable de produire un résultat aussi parfait que présenté dans la publicité ? Je n’y crois pas une seconde !
J’ai identifié quelques autres éléments qui sont autant de drapeaux rouges me confirmant qu’il faut mieux passer son chemin. Souvenez-vous de cette citation de Donald Trump, Sometimes your best investments are the ones you don’t make :
– tous les cofondateurs sont dépourvus de la moindre expérience professionnelle dans l’industrie et étaient tous récemment encore étudiants. Ils ont juste suivi un stage de 8 semaines dans l’incubateur pour start-up spécialisé dans le hardware, Hax, basé à San Francisco
– les demandes de brevets en Chine, aux US et à Taïwan ont toutes été enregistrées au nom du CEO et pas celui de la société
– Alchema Inc nous est présentée comme une start-up californienne mais tous les fondateurs sont taïwanais sans domiciliation permanente sur le territoire américain. C’est une coquille juridique vide créée pour récolter des fonds sur Kickstarter et MicroVentures
– la start-up informe dans les documents fournis qu’elle est en discussion avec des investisseurs et que l’argent levé sur MicroVentures ne suffira pas pour assurer l’industrialisation de la machine
– je ne peux que regretter l’absence de présentation des comptes pour l’année 2016
– la recette du cidre taïwanais est bien éloignée du procédé classique qui consiste à écraser les pommes pour en extraire le jus, étape qui me semble indispensable à la fabrication d’un cidre digne de ce nom. Personnellement je doute du goût d’un cidre à base d’eau
– il n’est apporté aucune information financière sur la marge dégagée par unité produite.
Les campagnes de crowdfunding qui commencent par un spot publicitaire finissent mal en général…
Merci Michel pour cette analyse pertinente.
Au-delà de l’aspect publicitaire “Fake it until you make it”, ce qui me fait le plus douter dans ce produit est de l’imaginer dans la vie réelle. Un prix d’achat assez décourageant (qui est sans doute justifié vu la technologie), sans compter le délai (naturel) de fermentation, tout cela pour un peu plus de 2L de breuvage… que l’on dégustera avec soin vu le temps mis. Bref, ça risque d’intéresser vraiment peu de monde, je crois (faible cœur de cible). Sans compter, les autres “détails” assez louches que vous relevez (pas de domiciliation sur le territoire US, etc.). Bref, ça sent pas bon…
Fabien RAYNAUD
http://www.FabienRaynaud.com
PS: Je ne connaissais pas cette citation de Trump, qui est on ne peut plus vrai: “Sometimes your best investments are the ones you don’t make.”
Merci pour votre commentaire Fabien. Il sera intéressant de suivre les aventures de ces jeunes taïwanais… J’avais écrit l’article sur la Tiko en décembre 2015 et malheureusement pour ses milliers de contributeurs, l’échec est aujourd’hui officiel. On retrouve un peu le même pattern avec la campagne d’Alchema…