La quête du parfait expresso

Petit moka tu m’as moulu
Je suis bouillu je suis foutu. (Richard Gotainer/Claude Engel – 1986 – Caféine)

Dès le matin en nous levant, nous sommes nombreux je crois, à apprécier notre simple ou double expresso, serré ou allongé. Il y a cependant des dizaines de façons de le concocter.

Personnellement, j’utilise une Philips Saeco qui est une alternative économique et écologique au système fermé de la Nespresso et ses coûteuses capsules commercialisées en utilisant les codes de l’industrie du luxe. Il faut bien justifier leurs prix unitaires exorbitants, non ?

Et vous, comment préparez-vous votre boisson chaude et énergisante du matin ? Nous n’avons pas tous l’opportunité ou les moyens tout simplement, de passer quotidiennement chez Starbucks !

Dans la saison 1 de la La quête du parfait expresso, 3 jeunes diplômés américains insatisfaits de l’offre commerciale des machines à expresso ont voulu réinventer l’expresso servi à votre domicile. J’ai essayé de reconstituer leur histoire entrepreneuriale de manière chronologique afin d’être plus clair et de vous en faire partager ma compréhension.

Ci-dessous, les résumés des épisodes de la saison 1 et le synopsis de la saison 2 toujours en cours d’écriture en 2016 avec de nouveaux acteurs.

Episode #1 : La création de la start-up ZPM

En novembre 2011, Janet Tambasco, Igor Zamlinsky et Gleb Polyakov viennent de terminer leurs études supérieures scientifiques et techniques. Sans perdre de temps, ils constituent la société ZPM Ltd Co à Atlanta pour concevoir et industrialiser une machine à expresso de qualité professionnelle, au prix de départ imbattable de 200 dollars. Ses créateurs veulent offrir un café ayant les mêmes qualités gustatives que celui réalisé avec des machines vendues à partir de 700 dollars. Ils ont décidé de faire appel au Crowdfunding pour financer l’industrialisation de leur invention révolutionnaire, au moins à leurs yeux.

Les créateurs multiplient les présentations de leurs prototypes afin de convaincre le plus grand nombre de clients potentiels, qu’ils ont inventé le moyen de faire le meilleur expresso du monde à la maison.

La couverture médiatique de l’invention est immédiatement au rendez-vous avec de nombreux articles ou mentions dans Wired, Gizmodo, The New York Times, Venture Beat,…

Episode #2 : La campagne sur Kickstarter

Entre le 11 décembre 2011 et le 20 janvier 2012 soit une durée de 40 jours, 1 546 contributeurs donnent 369 569 dollars sur Kickstarter pour que cette machine expresso puisse voir le jour. L’Objectif Financier Minimum de 20 000 dollars a été atteint en moins de 2 jours. Les livraisons des 1 308 machines sont prévues pour 2012. Les prix de la machine s’échelonnent entre 200 et 350 dollars pour un futur prix public affiché de 400 dollars.

La Pid-Controlled Espresso, c’est son nom provisoire, doit être tout en métal sans utiliser une seule pièce en plastique. La température et la pression de 5 à 15 bars sont modulables sous votre contrôle. Votre choix des niveaux s’affiche sur un écran OLED 2.42″. La machine est pilotée par un logiciel libre sous Linux permettant aux informaticiens amoureux de leur kawa d’en améliorer le fonctionnement. C’est la parfaite machine pour aider à maintenir éveiller les addicts du petit noir tout au long de la journée. Cet appareil révolutionnaire propose la parfaite tasse de café toujours à votre goût en moins d’une minute ! Il offre même la possibilité de sauvegarder vos préférences sur une carte mémoire SD ou via une prise USB…

Pourtant la machine à café présentée par Igor et Gleb dans la vidéo d’introduction de la campagne de Crowdfunding ressemble plus à un assemblage bricolé de divers éléments récupérés sur plusieurs anciennes machines. Ces créateurs et leur œuvre me font immédiatement penser à Sid, l’enfant cruel dans Toy Story 1 de Pixar, qui a la particularité de démonter ses jouets et de les recombiner pour en faire de nouvelles créations.

Ce n’est certainement pas un prototype prêt à être industrialisé, mais en 2011 Kickstarter n’interdit pas encore les simulations d’objets à l’aide de logiciels 3D et n’impose pas un prototype fonctionnel définitif prêt à être fabriqué en masse. Ne l’oublions pas, nous sommes encore au tout début du Crowdfunding. Kickstarter a été créée il y a moins de 3 ans auparavant, le 28 avril 2009 pour être plus précis.

Kickstarter a pu empocher normalement ses 5% de commissions sur les dollars collectés soit 18 478 dollars à quelques centimes près…

Episode #3 : La Nocturn disponible en précommandes

L’objectif des créateurs au départ était d’utiliser l’argent pour construire leur propre atelier d’assemblage dans leur ville de Atlanta, en utilisant des composants standards. Ce scénario est abandonné après le succès de la campagne de Crowdfunding sur Kickstarter. 1 308 machines, c’est déjà une quantité trop importante pour bricoler ces machines dans son garage mais c’est peut-être trop peu pour intéresser un industriel chinois sérieux. Les précommandes ont sans doute pour objectif d’avoir les moyens de fabriquer un nombre minimum de machines qui ait du sens économiquement.

A partir du 1er mars 2012, la machine est en précommandes sous le nouveau nom de Nocturn. Elle s’affiche en grand sur leur site web à 349,99 dollars, ce qui suggère que le produit est prêt à être fabriqué en masse. En janvier 2013, le prix passe à 499 dollars puis en janvier 2014, il augmente une nouvelle fois pour atteindre 799 dollars, soit plus ou moins le prix normal du marché. ZPM perd alors son avantage tarifaire compétitif.

Des business angels ont également participé au financement de la petite entreprise pour un montant de 680 000 dollars. En tout, plus de 1,2 million de dollars sont réunis avec les contributions sur Kickstarter, l’argent apporté par les investisseurs et les nouveaux dollars des précommandes. C’est beaucoup d’argent à gérer pour des personnes qui étaient toutes étudiants quelques mois auparavant !

Episode #4 : Le dépôt du brevet

Le 14 mai 2012, Igor Zamlinsky le technicien introverti et Gleb Polyakov le CEO extraverti de ZPM déposent comme co-inventeurs, un brevet aux États-Unis intitulé : Distributeur de Boissons à commande d’écoulement et à commande thermique améliorées. Le brevet sera publié le 21 novembre 2013 par l’office des brevets américains sous l’identifiant WO 2013173388 A1:

L’invention concerne une machine à expresso à commande fluidique et à commande thermique améliorées. La machine peut comprendre un contrôleur de commande de pression de rétroaction de pompes vibrantes à solénoïde. Le contrôleur peut surveiller la pression de la pompe et/ou son volume et fournir une commande de rétroaction de la pression de la pompe et/ou de son volume en temps réel ; commander une sortie de pompe au moyen d’une onde carrée à fréquence variable en courant continu qui peut être régulée afin de maintenir une sortie de pression désirée ; et commander une sortie de pompe au moyen d’une onde carrée à largeur d’impulsion variable en courant continu. La machine à expresso peut également comprendre un thermobloc à efficacité thermique et à commande de température améliorées. Le thermobloc peut comprendre un ou plusieurs conduit(s) en serpentin afin d’améliorer le transfert thermique vers le fluide qu’il(s) contient/contiennent, et fournir une commande de rétroaction de température du fluide.

Episode #5 : La société ZPM ferme ses portes

L’aventure dure 3 ans après la fin de la campagne de Crowdfunding sur Kickstarter, pour essayer de mettre au point un prototype industrialisable avec l’aide de consultants extérieurs coûteux. Igor démissionne dès la fin de 2013.

Les fondateurs de ZPM attendent, comme les personnages dans la pièce de théâtre de Samuel Beckett En attendant Godot, les résultats de l’inspection de leur machine pour avoir une certification UL. Pas de certification, pas de production en masse. Certification qui n’est jamais accordée et n’arrivera donc jamais…

Le 15 Janvier 2015, les créateurs annoncent la fermeture de l’entreprise sur leur page Kickstarter, à court de ressources financières et après de nouvelles démissions.

Ces très jeunes hommes et femme n’ont pas été capables d’amener leur prototype jusqu’au stade industriel. Ils n’avaient aucune expérience préalable dans l’industrialisation d’objets de ce niveau de complexité. Ils ont aussi sous-estimé le budget nécessaire pour fabriquer une telle machine.

Les créateurs n’ont pas su maintenir une communication régulière avec leurs contributeurs. En 2012, ils ont publié sur leur page Kickstarter 23 actualités, 15 en 2013, 5 en 2014 et enfin 3 en 2015.

Episode #6 : La propriété intellectuelle est cédée

Le 15 octobre 2015, les créateurs annoncent sur leur page Kickstarter :

Nous avons finalement trouvé un accord avec John Buckman de Decent Espresso, et nous lui avons vendu une licence portant sur toute la propriété intellectuelle de ZPM qui comprend la technologie du thermobloc et le logiciel de personnalisation ! Decent Espresso obtient les droits de la technologie de ZPM et en échange offre à tous les clients de la machine en précommandes, un bon de réduction de 200 dollars à valoir sur la nouvelle machine Decent utilisant la propriété intellectuelle de ZPM.

Les détails et le montant financier de la cession des droits ne sont pas communiqués. Il est important de noter que ce n’est pas la société ZPM qui est vendue mais sa technologie et probablement son fichier des contributeurs/clients. Cela limite considérablement les risques de poursuites judiciaires qu’auraient pu engager les clients en colère vis à vis du nouvel acquéreur.

John Buckman est le fondateur de Decent Espresso, société créée en mars 2015. Il est aussi l’un des 1 546 contributeurs de la campagne de Crowdfunding de la Pid-Controlled Espresso de ZPM. John utilise son argent personnel pour inventer et fabriquer la machine à produire le parfait expresso comme aurait pu le faire le héros Tony Stark de Iron Man avec qui il partage certains traits communs.

C’est le dernier épisode de la Saison 1.

Saison #2 : Synopsis

La machine Decent est en cours de conception et sera disponible courant 2016 à un prix inférieur à 1 000 dollars. Elle est équipée d’une tablette standard sous Android et d’un logiciel maison réalisé par John Buckman lui-même.

Pour cette nouvelle aventure entrepreneuriale, John a réussi à s’entourer d’une équipe de professionnels ayant une longue expérience dans le design, les processus industriels et le café.

Mais pour éviter la propagation du début de buzz négatif, déjà perceptible dans les commentaires publiés par quelques contributeurs sur la page Kickstarter depuis l’annonce de la cession, John Buckman pourrait :

– offrir une future machine Decent à tous les contributeurs, plutôt que de leur proposer un simple bon de réduction de 200 dollars sur son achat soit environ 20% du prix annoncé

– mettre en open source tous les éléments matériels et logiciels de la Decent, pour créer un écosystème dynamique.

Ces deux décisions permettraient de développer dès le premier jour, une communauté acquise à la cause de dimension planétaire de créer la meilleure tasse de café.

John Buckman réussira-t-il à fabriquer en série la machine à expresso, qui peut rivaliser avec les équipements professionnels, utilisés chaque jour par les meilleurs baristas des plus grands bars du monde ?


 

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