Quand une start-up française est rachetée par une société américaine, nous assistons à l’équivalent d’un opéra de cocoricos obligés, interprété parmi les principaux ténors officiels de l’écosystème national. Leur chant de gloire semble se soucier très peu des conditions réelles du transfert de propriété.
Il faut dire que cette occasion de célébration ne se présente pas tous les jours…
Je fais référence par exemple au tweet de Gilles Babinet du 21 novembre 2019 et plus particulièrement à son interjection finale
Sonos (USA) rachète l’assistant vocal « Snips », l’un des précurseurs dans les chatbots basés sur des intelligences artificielles en France, pour 37 millions de dollars – https://lesechos.fr/tech-medias/hightech/0602270413134-sonos-rachete-lassistant-vocal-francais-snips-pour-37-milliards-de-dollars-2307648.php#xtor=CS1-3046 bravo @randhindi
Je présume que le vice-président du Conseil national du numérique ne voulait pas nous distraire inutilement en précisant que l’énoncé de son lien vers l’article des Echos, confondait allègrement millions et milliards de dollars !
Était-ce un lapsus révélateur du quotidien économique prenant son désir pour une réalité ?
Visiblement, dans l’ivresse provoquée par la nouvelle, le correcteur numérique du média s’était emmêlé les touches. Michel de Guilhermier nous faisait remarquer dans un retweet le même jour… que ce n’était pas la première fois
Ah oui, elle est grosse celle là ! Ils ont un sacré sens des chiffres. J’en vois beaucoup des erreurs d’unités dans @LesEchos
Le tweet du docteur Laurent Alexandre publié le lendemain nous aidait si de besoin, à retomber sur terre. Son contenu constituait un diagnostic plus sévère que tous ceux des articles lus dans la presse
Si c’était une pépite de l’intelligence artificielle, Snips se serait vendue plusieurs MILLIARDS et non 33 millions ce qui est un prix ridicule ! La French Tech se ment à elle même…@olivez @StephaneMallard @ylecun
Pire, le montant indiqué, converti implicitement en euros par l’ancien entrepreneur, était un chiffre maximum théorique si on se réfère à cet extrait du communiqué de l’acquéreur annonçant le rachat à destination de ses actionnaires
Under the terms of the agreement, Sonos acquired Snips for approximately $37.5 million, subject to purchase price adjustments and holdbacks. The transaction closed on November 14, 2019.
Ce prix représentait dans les faits un acq-hiring qui ne s’avouerait pas publiquement
Pour faire simple, quand des sociétés de capital risque placent ensemble un ticket de 20 millions d’euros sur une start-up, elles en espèrent en cas de hit, une exit de 10 fois la mise, soit une valeur de cession égale à 200 millions d’euros.
Nous sommes si loin du compte que j’ose évoquer une vente à la casse dans l’intitulé de mon post.
Il s’agit donc bien principalement d’un rachat des compétences par Sonos. Elle se constitue ainsi rapidement une équipe R&D parisienne, au coût d’acquisition pratiqué usuellement aux États-Unis pour des ressources humaines hyper qualifiées.
La France reste un paradis fiscal pour les entreprises éligibles au Crédit d’Impôt Recherche. Sonos devrait voir la facture annuelle de sa masse salariale hexagonale ainsi allégée.
Je fais 3 Prières du Soir, à l’issue de cette opération de sauvetage humanitaire in extremis grâce à l’entregent supposé des VC’s parties prenantes des deux côtés de l’Atlantique. Mon souhait est de susciter un début de réveil salutaire en douceur et que certains mots ne se transforment plus en futurs maux…
Prière du Soir #1 : Substituons pépites par chercheurs d’or pour parler de start-up, particulièrement pour celles qui n’ont pas rencontré leur product/market fit
Snips n’a jamais été une pépite et ce mot est encore utilisé pour décrire sa vente dans le titre de cet article payant du Figaro Sonos rachète la pépite française de la voix Snips ou de ce texte de La Tribune Pourquoi Sonos s’offre les assistants vocaux de la pépite française Snips ou de celui du Siècle Digital Sonos rachète une pépite française spécialisée dans la reconnaissance vocale.
Je suis encore plus désespéré quand ce terme est utilisé dans un tweet par Franck Sebag, le partner d‘EY France en charge des start-up
Sonos a annoncé avoir acquis snips Stratégiquement l’operation fait sens. Cependant suis assez étonné par le prix de cette transaction $37.5 million. Nous perdons une belle opportunité de faire encore grandir une pépite de la #frenchtech
Prière du Soir #2 : Arrêtons d’utiliser les mots prometteuse ou prometteur pour qualifier une start-up ou son produit
L’addition des mots Snips et prometteuse donne 4 300 occurences dans Google !
Si la formule attribuée à Jaques Chirac, Les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent est juste, alors les rédacteurs qui utilisent ce vocable devraient le remplacer exclusivement avec des faits. Ces auteurs y gagneraient certainement en crédibilité en noircissant de manière strictement factuelle leur écran.
Je vous offre un court florilège d’expressions trouvées au hasard de ma pêche à l’aimant pour illustrer mon propos
Snips construit une technologie prometteuse.
Snips fait partie des start-up prometteuses installées en France
Alors certes, il faut un peu mettre les mains dans le cambouis mais le produit est jeune et prometteur.
Bref, vous voyez l’idée !
Prière du Soir #3 : Publions publiquement les comptes annuels, a minima pour toute start-up ayant bénéficié d’une manière ou d’une autre, des facilités de la BPI
Sur societe.com vous ne trouverez pas trace des bilans et comptes de résultat de Snips pour les années 2017 et 2018 malgré les interventions de la BPI en leur faveur sur cette période. Les seuls documents financiers qui étaient disponibles dataient de 2016 et ils ont disparu…
Je vous restitue une suite d’url’s dans l’ordre chronologique vers mes anciens posts consacrés à Snips pour celles et ceux qui voudraient approfondir leur réflexion. Ils pourraient constituer à profit la base d’un cas d’école qui devrait interpeler les têtes pensantes de notre French Tech
La délégation de start-up de la French Tech au CES 2018 : future Waterloo ou Austerlitz ? épisode 21/25 (6 janvier 2018)
L’avenir en France de l’intelligence artificielle repose sur les Hipsters… et le pire : ce n’est pas un poisson d’avril ! (1er avril 2018)
L’ICO de Snips passée au crible des 3 critères de notre fiche d’analyse (24 juin 2018)
L’Equity Crowdfunding de Mycroft sur StartEngine passée au crible des 3 critères de notre fiche d’analyse (1er juillet 2018)
L’ICO de Snips via son white paper 0.2 est un peu forte de café ! (29 juillet 2018)
Mon Hommage aux Bounty Hunters et autres galériens des temps modernes, volontaires de la chiourme des ICO’s (16 septembre 2018)
J-3 Special Halloween : Snips serait-t-elle aussi une Start-up Zombie ? (28 octobre 2018)
Pour LinkedIn, Snips serait plus une start-up Smoothie qu’une start-up Zombie ! (4 novembre 2018)
Bilan fastidieux mais nécessaire de mes 25 analyses individuelles de start-up sélectionnées par Business France pour participer au CES 2018 ! (15 novembre 2018)
26 start-up sélectionnées par Business France pour participer au CES 2019 – 23ème Fiche d’Analyse Gratuite sur kchehck.com = Snips (24 décembre 2018)
L’ultime partie de poker du Docteur Hindi, cofondateur et CEO de Snips, après l’échec tant prévisible de son ICO qui ne voulait d’ailleurs pas s’appeler ICO… (30 décembre 2018)
La Scale-Up Nation voulue par le Président Macron a urgemment besoin à ses côtés d’un CEO de la trempe de Lou ! (17 février 2019)
À la suite de la lecture attentive de l’ensemble de ces textes partagés, j’espère aussi que les aventures de Snips deviennent des leçons de vie entrepreneuriale pour toutes les primo cofondatrices et tous les primo cofondateurs de start-up.
Une nouvelle page doit se tourner.
Ainsi soit-il.