Le temps dure longtemps
Et la vie sûrement
Plus d’un million d’années
Et toujours en été
Il y a plein de chiens
Il y a même un chat, une tortue, des poissons rouges
Il ne manque rien…
(Nino Ferré – Le Sud – 1975)
Depuis son lieu de retrait sanitaire et temporaire de Châteauneuf-Grasse, débuté le 17 mars avec sa petite famille au complet, le VC parisien Jean de la Rochebrochard a créé une sorte de radio libre sur le web. L’animateur improvisé diffuse en live depuis le 19 mars grâce à l’application Storm.
Vous pouvez retrouver la totalité des émissions de Radio Château exceptée la première, ici
On est confiné mais pas confit. On parle des entrepreneurs, des startups, du venture, dans la bonne humeur ! C’est en live vers 11h30 tous les jours, enfin ça dépend des jours 🙂 Tu peux commenter, discuter, poser tes questions, tout est sur https://storm.live/2lr
Jean assure la gérance effective de Kima Ventures depuis avril 2015, le portefeuille de participations financé par son seul Limited Partner, Xavier Niel. Dans quelques semaines, il fêtera son 5ème anniversaire à sa tête, de ce qu’il considère lui-même être son job de rêve. Son prédécesseur Jérémie Berrebi n’avait duré qu’un seul quinquennat…
Kima a investi depuis sa création dans environ 800 start-up, essentiellement françaises, européennes ou californiennes. Sur la base estimative théorique d’un investissement moyen, unique et unitaire de 150 000 euros, cela ferait déjà 120 millions injectés dans l’écosystème en 10 ans, sortis tout droit de la poche du fondateur de Free.
550 sont toujours actives ou n’ont pas disparu ou été cédées entre-temps comme de rares fois à une des entreprises deep pockets de la planète.
2lr a deux Faits d’Arme d’Exception à son actif en 4 années et 11 mois d’exercice de son mandat
Fait d’Arme d’Exception #1 : Achat de Captain Train par la britannique Train Line en mars 2016 pour un montant estimé à 200 millions d’euros
Fait d’Arme d’Exception #2 : Acquisition de Zenly par l’américaine Snapchat en mai 2017 pour 213,3 millions de dollars (source : Annual Report Snap Inc 2018 page 83).
Spread and Pray
La stratégie de Kima s’apparentait jusqu’avant la crise économique liée à la pandémie du COVID-19, à celle d’un acheteur compulsif de billets à gratter Illico, mais qui serait extrêmement patient pour découvrir ses hypothétiques supers gains. Il devait attendre à chaque fois plusieurs années avant de savoir si telle jeune pousse représentait un ticket gagnant au départ !
Les conséquences dramatiques du coronavirus obligent chaque fonds d’investissement à faire le ménage rapidement, dès aujourd’hui, parmi toutes les entreprises dans lesquelles il a investi/parié. Kima n’est pas une exception à la règle mais il fait preuve d’une certaine forme de transparence qu’il faut saluer quant à la méthodologie déployée.
Le jour de la Saint Joseph soit le 19 mars, Human Machine avait envoyé un questionnaire à chacun(e) des fondatrices et fondateurs des start-up ayant reçu un iBanFirst de Kima. Au bout de 24 heures, Jean avait obtenu 130 réponses selon son tweet du 20 mars. Elles se décomposaient comme suit en application de sa note de tri sélectif jointe
Top Quartile: 76
2nd Q: 38
3rd Q: 13
Down Q: 1
Jean avait notamment demandé à chacun(e) de lui communiquer dans quel Quartile il ou elle se positionnait. Il s’agissait d’une autoévaluation en partie subjective, opérée dans l’urgence. (Le texte ci-dessous en italique est ma traduction libre de l’original en anglais, contenu dans le tweet mentionné ci-dessus)
1er Quartile : Start-up qui ont du cash en banque, un niveau de dépenses sous contrôle. Elles ont levé récemment ou gagnent de l’argent ou ne subissent pas trop d’effets négatifs
2nd Quartile : Start-up ayant des fondamentaux solides en terme d’équipe, de produit, de croissance et de dépenses. Cependant elles sont à la fin d’un cycle de financement et ont besoin d’un nouvel apport financier et de supprimer des dépenses. Cela inclut de diminuer la taille de leur équipe de 25% au moins dans un premier temps
3ème Quartile : Start-up qui ont des actifs solides en terme d’équipe et de produit sans pour autant que leur croissance/niveau de dépenses ne soient parmi les meilleurs. Elles auront donc besoin d’un apport financier et/ou de réduire de plus de 50% la taille de leur équipe
4ème Quartile : Start-up en état critique ou fatal.
Au 23 mars, sur 184 déclarations obtenues, 55% et 33% étaient respectivement dans les deux premiers Quartiles.
ÀMHA, la plupart des entrepreneurs ayant répondu Q1 ou Q2, pêchent par excès d’optimisme et un manque évident de clairvoyance. Jean souligne que très peu ont encore décidé de tailler dans le vif de leurs effectifs. Le moral tel que déclaré serait toujours au beau fixe pour le plus grand nombre d’entre eux…
Je partage le tweet de Laurens Lafont ainsi que deux autres bien qu’ils ne visaient pas spécifiquement le portefeuille de Kima
La plupart de ces #startup sont le symbole des excès commis. Des boîtes qui ne produisent rien, qui font un métier de lever de l’argent, qui n’envisagent pas la rentabilité et qui crament leur trésorerie ! Le nettoyage va avoir lieu. Ce qui sera un + pour l’allocation du capital.
ou celui de NooVoo
Les modèles d’entreprises de l’époque n’étaient-ils pas moins « fragiles »? Plus équilibrés, notamment BP et financement, que le sont les start-up d’aujourd’hui? Les nouveaux modèles ressemblent plus a des paris sur l’avenir, quand l’avenir s’obscurcit normal que cela pique. Non?
ou le texte de Ze L Steeve
Oui car il y a start-up et start-up et l’argent facile à fait émerger énormément de start-up “inutile” qui gaspillaient du capital à tout va sans aucun vrai business plan si ce n’est l’espoir d’être rachetées. Cette crise comme toute les crises va faire un peu de ménage
C’étaient 3 réponses directes au tweet extrêmement lucide de Marc Simoncini du 24 mars
En tant qu’entrepreneur j’ai vécu le krach de 1987, puis celui de 2000 et celui de 2008… Au vu de ce qui remonte de toutes nos startups, ça va piquer fort, beaucoup beaucoup plus fort… #reset #reboot #besafe 🍀
Mais revenons à Kima si vous le voulez bien. L’intégrité et la totalité de son portefeuille vont être dorénavant excessivement à risque… Elle devra décider dans les prochaines semaines, qui recevra un bridge et pour quel montant afin de lui permettre de continuer à respirer sous assistance artificielle, idéalement jusqu’en octobre 2021.
Si encore plus pendant cette période, Cash is King, il ne faut pas négliger pour autant que Fanocracy is the Kingdom! pour emprunter le nouveau mot inventé par David Meerman Scott.
C’est ce que semble avoir perdu de vue Dice, une des start-up de Kima Ventures. Sur sa page Facebook, deux commentaires laissent supposer qu’elle a décidé de sauver sa peau en priorité au risque de s’aliéner des fans définitivement…
If the safety of your fans is of the highest priority then we should be in a position to cancel and get a refund regardless of the state of cancellation/postponement/going ahead – we should be the ones who decide what we want to do in these times. Change your policy and follow government advice. I don’t want to be mixing in large groups if an event is going ahead, I want to self isolate without Dice taking my money for nothing. Time to grow up. (Anthony Howard)
What a joke. I just requested a refund for an event in California early next month (we are currently under stay at home orders) and you all gave me a shitty platitude. You aren’t concerned with anyone’s safety except the safety of your monetary funds. (Thea Stone)
N’oublions pas que cette crise va être l’équivalent d’avoir appuyé brutalement sur un énorme bouton rouge RESET! Tout va ainsi changer, l’environnement sociétal, les modèles économiques et les priorités des clients.
Ce qui est sûr, c’est que les start-up cafards sauront mieux tirer leur épingle de ce nouveau jeu. Il sera particulièrement compliqué à décrypter pour tous les bébés licornes.
Leur survie à tous dépendra de leur capacité d’adaptation avant même toute nouvelle transfusion de money.
* J’ai emprunté l’expression soldes chez Gucci à Jean de la Rochebrochard, extraite de l’un de ses podcasts pour désigner l’évolution du marché de l’emploi pour les start-up.