La biotech morlaisienne Hemarina est-elle encore une start-up ?

J’ai eu l’occasion de consacrer plusieurs posts partiellement ou en totalité à la biotech morlaisienne Hemarina née en mars 2007. En cette fin d’année, je vous en rappelle les 5 titres et liens

Il ne faut pas toujours prendre à la lettre tout ce qui est écrit dans le journal, surtout quand il s’agit d’une biotech... 03/02/2019

La Scale-Up Nation voulue par le Président Macron a urgemment besoin à ses côtés d’un CEO de la trempe de Lou ! 17/02/2019

Mais que Meero était jolie en criant dessus les toits “Ça ira, ça ira, toute la vie 20/10/2019

Ces Dr Doxey qui voudraient bien pouvoir nous fourguer leur médecine miracle ! 22/03/2020

Le ver marin d’Hemarina recalé pour se substituer aux Respirateurs électroniques des Hôpitaux de Paris ! 12/04/2020

Hemarina célèbrera dans 3 mois son 14e anniversaire… Elle a été créée pour exploiter au départ un brevet de 2001 déposé par la Station Biologique de Roscoff afin de créer un HBOC ou Hemoglobin-Based Oxygen Carrier

Utilisation comme substitut sanguin d’une hémoglobine extracellulaire de poids moléculaire élevé

Mais peut-on encore parler aujourd’hui d’une start-up pour la désigner ?

J’ai échangé avec un ami VC vendredi 11 décembre via la messagerie de LinkedIn sur ce sujet de manière générale

L’ami : Hello Michel ! Tu as fait un post sur “ta” définition de startup ? 

Moi : Salut, Je ne crois pas que j’ai publié un post isolé sur la définition de start-up. En fait c’est un sujet transversal et ce qui revient le plus souvent, c’est une entreprise avec une dimension tech de moins de 10 ans. 

L’ami : J’ai entendu une définition pas mal du tout récemment, celle de Steva Blank : organisation temporaire à la recherche d’un business model industrialisable, rentable et permettant la croissance

Moi : Pour moi elle est trop restrictive et intellectuelle… temporaire Pourquoi ? J’ai l’habitude de dire toutes les grandes entreprises ont été un jour une start-up

recherche d’un business model industrialisable : Certaines l’ont trouvé dès leurs premières années mais restent des start-up  

recherche de la rentabilité : Elles peuvent l’être dès la première année voir Germinal pour illustration…

L’ami : J’entends bien mais justement c’est bien un passage temporaire !  Pour moi Google n’est pas une startup.

Tu perds ce “statut” à partir du moment où tu cesses de chercher la “sortie” pour te projeter dans le temps

Perso pour moi Germinal c’est une agence et pas une startup. C’est TB les agences ;)…

A mon sens la notion de coût marginal nul est un peu ma grille de lecture pour savoir ce qu’est une startup

bref c’est de la sémantique ^^

Moi : Oui tu as raison mais la sémantique a son importance… 

Temporaire dans la définition citée pourrait faire croire que c’est l’entreprise qui est temporaire mais je suis bien d’accord, c’est son statut qui est temporaire. Au delà de 10 ans, au risque de me répéter, ce n’est plus une start-up quoi qu’on en dise… 

2 exemples : Blablacar et Hemarina ne devraient plus être “protégées” par le qualificatif de “start-up” pour justifier qu’elles ne gagnent pas d’argent. Mais ça ne m’empêchera pas de faire une analyse de cette dernière le dimanche 20 décembre. Tu m’as donné l’idée de son fil conducteur avec ces définitions de start-up. Cela reste bien sûr entre nous, je ne te citerai pas, n’exploitant que des données publiques… On ne suit totalement pas la voie du grand frère Palantir ….

L’ami : … Je te lirai comme d’habitude avec attention 

Moi : Merci !🙃

Nous sommes le dimanche 20 décembre et je vous présente des nouvelles d’Hemarina qui avait été beaucoup médiatisée pendant le premier confinement.

En résumé, Hemarina attend toujours son marquage CE afin de pouvoir débuter la commercialisation de sa molécule M101 issue du ver marin. Elle prolongerait la vie du greffon d’un rein en attente de transplantation. C’est l’organisme de contrôle d’origine britannique BSI qui est en charge de l’instruction du dossier.

Un second essai sur l’homme a débuté au mois de juillet 2020 pour une durée de 30 mois sous le nom de Oxyop2 en partenariat avec le CHU de Brest.

Un article collectif publié le 24 novembre 2020 chez Elsevier Public Health Emergency Collection et intitulé

Combating hypoxemia in COVID-19 patients with a natural oxygen carrier, HEMO2Life® (M101)

montre que son président Franck Zal ne lâche rien et a toujours l’intention de faire valider son hypothèse que sa molécule peut être administrée directement dans le corps des malades

This molecular respirator could improve COVID-19 patient’s survival, avoid tracheal intubation and shorter an oxygen supplementation and open the possibility of treating a larger number of patients in the event of a lack of respirators. This hypothesis merits clinical trials. (les mots en gras sont de mon fait)

À la suite du brusque désistement de l’AP-HP pour accueillir un essai clinique sur 10 malades, il ne reste plus à mon humble avis qu’une seule alternative

Franck Zal lui-même, après s’être injecté la COVID, s’autoadministre la posologie graduelle décrite dans ce texte dont il est co-auteur.

Après cet acte héroïque, notre docteur en océanographie resterait dans l’histoire de la médecine, quelle que soit l’issue de son sacrifice personnel !

Conclusion

Le but d’une start-up selon Kchehck n’est pas de créer de l’activité économique sans durabilité mais de produire de nouvelles richesses. C’est pour cela que si en 10 ans de vie ce n’est pas encore le cas, alors il est temps de passer à autre chose ou ici d’aller à la pêche au bar !

Même les biotech sont incluses dans cette limitation temporelle pour faire leurs preuves à l’image de l’histoire de sa poster child, Genentech Inc, créée avec seulement 1 000 dollars de l’époque…

Genentech was founded on April 7th 1976 with no assets, rented equipment, or even a secretary. Despite these humble beginnings, however, the company was able to use recombinant E. coli to produce the first human protein, somatostatin, as a proof-of-concept in 1977.

In 1979, the company managed to produce the human version of the hormone insulin with this technique, which was a huge breakthrough after decades of Eli Lilly harvesting the drug from cow and pig pancreases.

Hopes were riding high after these discoveries. In 1980, Genentech became the first biotech company to go public, raising $35M on its IPO ($114M or €100M today).

Quant à Hemarina, elle a bénéficié de 4 levées de fonds en 10 ans, entre 2007 et 2017, selon societe.tech

Levée de fonds #1 : 850 000 euros le 10 février 2009

Levée de fonds #2 : 6,3 millions d’euros le 1er juin 2012 (Série A)

Levée de fonds #3 : 4 millions d’euros le 2 mars 2013 (Série B)

Levée de fonds #4 : 8 millions d’euros le 15 mars 2017 (Série C).

Ces 19,15 millions d’euros ont été complétés de plusieurs millions de subventions publiques, tout au long de ces années jusqu’en 2020.

Quelle sera la décision de ses actionnaires privés et publics en 2021 ? Y aura-t-il une série D au mois de mars prochain ?

C’est leur seule responsabilité de décider de débrancher ou non les tuyaux d’alimentation permanente en new cash.

Si l’essai clinique Oxyop2 arrive malgré tout à la date supposée de son terme en 2023, restera posée la question de la justification économique de ce nouveau dispositif médical de classe III.

J’ai bien peur que l’extraction et la purification du sang de ver marin ne coûtent une blinde et que les autorités de santé décident de continuer à utiliser la solution Celsior sans cet additif.

2021 sera le 20e anniversaire du brevet à l’origine de cette histoire…

 

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