Je vous propose d’éclaircir entre nous, le mystère de la semaine écoulée. Il a plus passionné l’écosystème entrepreneurial, que le potentiel transfert de Naymar du PSG au FC Barcelone pour la bagatelle de 300 millions d’euros.
Je veux vous parler d’une autre babiole à 230 millions de dollars, concernant la start-up Meero. Elle a été créée en 2016 à Paris par Thomas Rebaud et Guillaume Lestrade.
Tout avait commencé par un clip de Cyrille de Lasteyrie, publié sur LinkedIn le 19 juin avec ses quelques mots d’introduction dans ce tweet
230 millions ?!? Je pige pas.
Le speech de Vinvin m’avait bien fait rire !
En 48 heures, sa vidéo avait suscité plus de 50 000 vues et 242 commentaires. Je dois avouer cependant que la lecture attentive de ces centaines d’avis, n’avait pas totalement éclairé ma lanterne.
Georges Vaccaro m’avait envoyé par mél le lien vers un article du quotidien économique Les Echos, titré Thomas Rebaud (Meero) : « Je lève 230 millions de dollars pour disrupter le monde de la photographie ».
j’ai résumé ma lecture par ce tweet qui ne faisait que reprendre 3 citations de l’interviewé
230 M $ (@Meerophoto) 1 Des projets qui ne nous rapportent pas un € ! 2 Ces dépenses sont justifiées pour qu’une entreprise soit susceptible de nous racheter un jour 3 Nous avons l’ambition de générer 5 à 10 milliards d’ici à cinq ou sept ans.
Dans un article du Financial Times, Yann du Rusquec, directeur général de Eurazeo Growth, a commenté sa participation à la fameuse levée de fonds. Il l’a menée à bien au côté du VC néerlandais Prime Ventures, en pariant lui-même un quart de la nouvelle somme misée
Meero is one of the fastest-growing companies I’ve seen in Europe, It’s a scaleable and global model, and it’s building strong barriers to entry because of its technology and the complexity of its operations.
Au-delà de ce discours un peu convenu, permettant à son auteur de justifier son très gros ticket, je restais encore sur ma faim.
Comment vu de l’extérieur, de manière rationnelle, comprendre ces VC’s qui ont abandonné quasiment 300 millions de dollars en seulement 3 ans ?
J’ai eu la révélation en regardant l’épisode 9 de la saison 3 de la série T.V. Ray Donovan et pour être plus précis, ce court passage de 35:58 à 38:24 mn. En moins de 3 minutes, Mme Minassian, vieille maquerelle de la mafia arménienne de Los Angeles, m’a apporté sur un plateau, un mode de calcul très facile à saisir. Il colle parfaitement à celui que les actionnaires de Meero ont pu épouser.
Mickey Donovan, le père de Ray, est devenu par les nécessités et aléas de sa vie d’ancien taulard, un petit vieux mac presque sympathique. Il fait vendre à ses voisines de la piscine de la copropriété, en plus de leur sexe, de la cocaïne coupée afin d’arrondir aussi ses propres fins de mois.
L’associé de Mme Minassian, Ivan Belirov lui propose de nouvelles recrues présentées de la main à la main, dans un jeu au format Polaroid, de photos individuelles tarifées.
Le prix unitaire de ces esclaves sexuelles ? 5 500 dollars, 6 000 dollars, 7 000 dollars et 7 500 dollars. À raison de 10 blowjobs par jour à 200 dollars, “l’investissement” pourrait vite s’avérer extrêmement rentable, au moins pour ses financeurs…
Meero déclarait faire travailler 50 000 photographes avant leur dernière levée de fonds. Elle a reçu de ses investisseurs, un total de 300 millions de dollars sur 3 ans. Si je divise les deux chiffres, j’obtiens 6 000 dollars, soit exactement l’équivalent du prix d’achat affiché d’une de ces travailleuses sexuelles forcées.
Meero a pour ambition planétaire de remplacer dans les faits, tous les artistes indépendants par des amateurs occasionnels, corvéables à merci, équipés de leur simple appareil plein cadre.
Les photographes professionnels sont trop exigeants en voulant être payés des expressions numériques de leur art, 200 euros de l’heure a minima.
Le modèle économique choisi par Meero permet de diviser la facture au minimum par 5.
Les économies ainsi réalisées seront partagées entre les donneurs d’ordre (Airbnb, Deliveroo, Uber Eats,…) et Meero sur le dos de ceux qui auront accepté de tirer tous les portraits demandés à la vitesse de l’éclair. Il faudra qu’ils ne soient pas toujours trop regardants sur les détails pratiques des coûts cachés de leurs prestations super low cost.
ÀMHA, les investisseurs impliqués dans ces augmentations de capital, ont surévalué largement la valeur de ce groupe de photographes disparates. Ils ne formeront jamais une véritable communauté, quelque soit les quantités, les compositions et les niveaux de sophistication des vaselines utilisées.
Motto de Meero : Where freedom, community and creativity come together. Really?
La tarification pour tâcherons, imposée unilatéralement, fera fuir les véritables artistes qui s’excluront eux-mêmes de toute velléité d’appartenance à une pseudo communauté Meero.
Brad Capone, photographe américain d’architecture, en a expliqué les raisons dans un long post récent très argumenté Why I left Meero & Airbnb Plus Program.
Brad a beaucoup de mal de devoir avaler à la fois, d’abandonner ses copyrights, de perdre la maîtrise de son travail fini, de ne plus shooter localement pour une autre donneuse d’ordre, de se priver de l’affichage de ses shoots sur son propre site,…
C’est aussi l’avis du français ce commentaire sous la vidéo de Vinvin sur LinkedIn
, cinéaste et photographe professionnel depuis 2001. Il a publiéCe qui ne marchera pas dans son système, c’est la création d’une communauté. Les photographes sont des auteurs avant tout c’est d’ailleurs leur statut. Premièrement, ils ne vendent pas de la photo mais des droits d’utilisation et de reproduction de leurs photos et aucun photographe n’abandonnera ses droits au profit de Meero. Ce n’est d’ailleurs pas possible légalement. Deuxièmement pour avoir essayer de fédérer un peu ses professionnels. C’est très compliqué. C’est un métier d’indépendant avant tout et les photographes le choisissent aussi pour ça.
Décidément la pilule qui se voudrait dorée de Meero, semble avoir du mal à passer chez les pros du reportage photos.
En terme de croissance de ses activités, je pense que Meero a déjà mangé son pain blanc. Elle a su cueillir les fruits les plus mûrs comme ceux générés par le contrat avec Airbnb, en sous-traitance de son programme Airbnb Plus.
Vouloir s’attaquer au marché des bals du samedi soir en dit long sur la propre lucidité de ses dirigeants, qui n’ont pas eu le courage de la partager semble-t-il avec leurs investisseurs.
Ces professionnels de la finance de haut vol, se font tout un film, des milliards de dollars que leur rapportera la future vente de la communauté Meero à Adobe, afin de s’endormir paisiblement le soir.
Bref, Pourvou qu’ça doure ! comme disait Letizia Bonaparte avec son accent corse, en évoquant les victoires de son fils Napoléon Ier…