La crise du coronavirus chamboule notre vie quotidienne. En vivant cet instant historique, potentiellement chaotique mais encore heureusement sous contrôle étatique et démocratique, rien ne correspond plus à l’avant.
Le Syndrome du Titanic
C’est toujours dans une situation de difficultés extrêmes que chacun(e) tombe le masque et dévoile son véritable visage. Chaque période exceptionnelle de ce type joue le rôle d’un catalyseur/révélateur/amplificateur de nos qualités et défauts individuels. Les circonstances sont propices pour s’en rendre compte une nouvelle fois à tous les étages de la société, que ce soit en bien ou en mal…
ÀMHA, dans le camp de “Qui nous procure du bien ?”, il y a un animateur qui agit de son mieux pour que nous ne soyons plus en rassrah !
Le spécialiste de darka a transformé son propre salon parisien en studio de télévision depuis le début du confinement. Il a une vocation naturelle et contagieuse à nous faire oublier les ravages d’un virus, diffusés en boucle sur les chaînes d’information en continu.
Cyril Hanouna avait invité le mercredi 18 mars un médecin généraliste fort sympathique, Marcel Ichou, qui n’a pas la langue dans sa poche. C’était son 4ème plateau de la journée.
Le boss de l’émission Touche pas à mon poste ! de C8, calfeutré chez lui entouré de caméra-robots, lui a demandé son avis au sujet du professeur marseillais Didier Raoult qui a redécouvert la Chloroquine. Il s’agit d’un vieux médicament aux vertus miraculeuses contre le coronavirus d’après l’infectiologue. Marcel Ichou a modéré son enthousiasme
Il est trop tôt pour en faire un faux espoir. Il faut le tester et une fois qu’on l’aura testé, on pourra dire que c’est efficace et on l’utilisera… Il faut le tester et le valider avant de l’annoncer.
Visiblement le Panoramix de la microbiologie n’avait pas suivi le bon ordre de la prescription de son confrère parisien.
Vous pouvez revoir le passage en replay ici à partir de 26:40. L’antibiotique a été utilisé avec des résultats peut-être prometteurs mais non validés scientifiquement. Ils ont été établis sur seulement une vingtaine de patients géographiquement proches et non randomisée.
Si il y a bien un autre biologiste qui n’a pas intégré cette obligation prudentielle et éthique de tester massivement avant de crier victoire, c’est Franck Zal, le fondateur de Hemarina à Morlaix.
Le 26 mars prochain, l’entreprise finistérienne fêtera son 13e anniversaire selon le greffe du Tribunal de Commerce. Sur son acte de naissance officiel, elle est baptisée sous le libellé Recherche-Développement en autres sciences physiques et naturelles.
Dans les faits, Hemarina agit bien à l’image d’une extension indépendante du CNRS de Roscoff, une sorte de CLRS ou Centre Local de la Recherche Scientifique, créée par un de ses chercheurs fonctionnaires, en disponibilité depuis 2007.
Sa société n’a à ce jour survécu que grâce à de multiples perfusions de ses nombreux business angels, actionnaires bancaires (Crédit Mutuel Arkea, CIC et Crédit Agricole) ainsi que de différents organismes publics dont principalement l’INSERM. Chiffre d’affaires ? De la grosseur d’un Arenicola marina !
Hemarina rame de plus en plus désespérément afin de trouver un premier débouché commercial à son élevage de vers marins sur l’île de Noirmoutier. Surtout que pour l’instant, l’organisme en certification BSI ne lui a pas donné son feu vert pour qu’elle puisse enfin commercialiser en Europe, son très (sur)médiatisé conservateur de greffes du rein Hemo2life.
Alors la pandémie actuelle représente un ultime effet d’aubaine. Franck Zal a déclaré que comme nous étions en guerre contre le coronavirus, il fallait s’affranchir de toute contrainte réglementaire. Il a imaginé que sa molécule M101 pourrait même remplacer les respirateurs artificiels potentiellement en nombre insuffisant dans les hôpitaux au pic attendu de l’épidémie
…notre molécule permet de se passer de cet appareillage lourd et coûteux en personnel et de sauver des vies rapidement, avec un traitement beaucoup plus simple pour soulager les patients. (article du 18 mars 2020 – Jean-Marc Le Droff – Le Journal des Entreprises)
Le problème c’est que son simple énoncé, même répété de nombreuses fois sur les réseaux sociaux, n’apporte aucune validation supplémentaire scientifique de manière spécifique et publique.
Cette tentative de coup d’État contre les procédures de mise sur le marché de tout nouveau médicament a été relayée sur Twitter ou LinkedIn par plusieurs de ses amis…
Frédéric Cosperec, Directeur Développement Territorial Bretagne EDF dans un tweet du 17 mars
PARTAGEZ EN MASSE ! NOUS DEVONS FAIRE BOUGER LES CHOSES ! La situation du #COVID19 est grave. La société Bretonne @Hemarina dispose d’une solution qui sauverait des milliers de personnes en détresse respiratoire ! Ça ne bouge pas !
Bénédicte Jacq, Conseillère en communication dans un tweet du 18 mars
Entre grave erreur, ineptie et folles dépenses de l’argent public. Un vaccin ne guéri pas la maladie et de fait ce dernier ne peut être prêt avant au moins 18 mois. 80 millards lorsqu’en France @Hemarina et son équipe sont prêts. Ne pas les contacter @vonderleyen est criminel.
Idriss Aberkane dans un post sur LinkedIn le 19 mars
La France a peut-être une botte secrète dans la lutte contre le Covid-19, mais l’état fait barrage
Il a également précisé le samedi 21 mars via un tweet
Je fais mon travail depuis 72h pour @Hemarina
Le Professeur Laurent Lantieri, Chef de service chirurgie plastique et reconstructrice à l’hôpital Georges Pompidou, a demandé via un article du Nouvel Obs à ce que des tests puissent être ordonnés dans son établissement. Pour élargir la diffusion de son appel, il a tweeté le 19 mars (les mots en gras sont de mon fait)
Le temps n’est plus au principe de précaution mais à la prise de risque
D’autres médias ne sont pas en reste pour propager ce qui n’est effectivement qu’une simple hypothèse. Elle n’est étayée par aucune étude clinique préalable et indépendante sur cet usage nouveau de perfusion directement dans le corps humain du sang de l’animal décongelé
« Nous pourrions soigner 5 000 personnes »: le ver marin d’Hemarina, espoir face au coronavirus ? (Le Telegramme – 17 mars 2020)
Coronavirus. À Morlaix, Hemarina a proposé un protocole aux autorités sanitaires (Ouest-France – 17 mars 2020)
Le Pr Laurent Lantieri demande à tester le produit issu du sang du ver marin contre le coronavirus (Sud Ouest – 18 mars 2020)
Hemarina propose sa molécule à base de ver marin pour traiter le Covid-19 (Les Echos – 19 mars 2020)
Coronavirus : une molécule super-oxygénante pour sauver des patients en réanimation ? (La Croix – 20 mars 2020)
Coronavirus : Hemarina propose sa molécule pour soigner les malades (Le Marin – 21 mars 2020)
Coronavirus : La course au traitement (BFMTV – 21 mars 2020)
Je titrais dès le 3 février 2019…
Je republie mon tweet du 20 mars en guise de conclusion
Le Comité Scientifique autour du Président a été sollicité pour décider d’utiliser ou non la molécule issue du ver marin d'(@Hemarina) ? Je trouve insensé que le débat se soit déplacé sur Twitter. Laissons ce Comité faire son travail en toute sérénité et indépendance ! #COVID2019
PS : À ma connaissance le Président Trump n’a pas encore réagi à la proposition de Hemarina qui possède pourtant une filiale à Boston…
Fin de parcours pour Hemarina.
Avec la disparition de L’ISF, plus aucun assujetti n’a de motivation (purement fiscale) pour investir dans cette entreprise.
Le dirigeant affiche un déficit cruel de connaissances en développement pharmaceutique. Il y a loin du rêve à la réalité.
Triste fin.
PS curieuse idée d’aller à Noirmoutiers pour mettre en place la ferme marine, non ?
Merci pour votre commentaire.
Il aurait été sans doute plus simple effectivement de gérer au quotidien la ferme marine dans la baie de Morlaix.
Maintenant le scandale : https://www.bfmtv.com/sante/coronavirus-l-essai-clinique-avec-du-sang-de-vers-marins-interrompu-1891879.html
Une idée pour lever le doute : le fondateur d’Hemarina est il prêt à s’injecter son produit ? Ce serait très classe.
Oui c’est une idée qui a je crois été testée dans le passé par l’inventeur d’un parachute qui l’avait essayé lui même du haut de la Tour Eiffel. Le parachutiste est mort à son arrivée brutale sur le sol…
https://www.youtube.com/watch?v=6gsnVntGoxM
Ce qui est étonnant, c’est que ce personnage soit encore (d’après leur site internet) au conseil de surveillance d’INSERM Transfert (la structure de valorisation de l’INSERM), après cet épisode peu glorieux.
Pas si étonnant que ça, l’INSERM étant aussi actionnaire de Hemarina…
“INSERM TRANSFERT INITIATIVE soutient HEMARINA depuis sa levée de fonds d’amorçage. Nous sommes convaincus que cette technologie est l’une des plus originales et prometteuses sur le marché des transporteurs d’oxygène”, a ajouté de son côté MATTHIEU COUTET, MANAGING PARTNER chez INSERM TRANSFERT INITIATIVE.”
source : https://www.tech-brest-iroise.fr/Actualit%C3%A9s-2872-619-0-0.html
C’est une participation croisée en quelque sorte…
Je ne suis pas certain que l’INSERM TI soit encore très “supportive” après ces errements. Et cette déclaration date de 2012. Par ailleurs, en interne, Calimero ne semble pas non plus très apprécié : https://insiders.lefigaro.fr/entreprises/hemarina-494907025/notes.
Je pense que nous verrons bientôt Hémarina au Tribunal de Commerce.