Analyse Post-Mortem de Bnbsitter (11 juillet 2013-27 juin 2019) ou la stratégie éphémère quitte ou double du Buphagus Parisianus…

Le dernier bilan publié par Bnbsitter née en 2013 est celui de l’année 2017. Il présente un chiffre d’affaires de 284 100 euros pour un résultat net négatif de 1 321 400 euros. Les capitaux propres sont également négatifs à hauteur de 623 300 euros malgré une nouvelle injection significative en mai 2016.

Le bilan rendu public le plus récent de sa concurrente Luckey, créée en 2015, aussi pour l’exercice 2017, indique un chiffre d’affaires de 1 784 100 euros, un résultat négatif de 546 300 euros et des capitaux propres positifs de 2 091 900 euros. Il faut préciser que Newfund et Nexity venaient au mois de décembre de cette année-là, d’y investir conjointement 2 millions d’euros.

Dans un communiqué publié le 11 décembre 2018, Airbnb annonçait le rachat de… Luckey.

Tout était dit dans son premier paragraphe

Avec plus de 500 000 annonces, 13 millions d’utilisateurs dans tout le pays, et un écosystème en plein essor autour de sa communauté, la France est devenue une destination phare pour Airbnb. Aujourd’hui, Airbnb renforce ses liens avec la France et investit significativement dans le développement de sa communauté locale en acquérant Luckey, startup française spécialisée dans le développement de services de conciergerie pour les particuliers. Cette acquisition va soutenir les efforts d’Airbnb pour créer un ensemble de services et de nouveaux outils dont bénéficiera notre communauté d’hôtes en France et partout dans le monde. (Les mots en gras sont de mon fait)

Face à une division du travail mondiale inéluctable à la sauce américaine très gafaïenne, Airbnb reconnaissait au moins à la France, l’ADN pour donner naissance à son futur service propriétaire de conciergerie globalisée.

La jeune multinationale avait été créée en 2007, 6 ans plus tôt que Bnbsitter, par Brian Chesky et Joe Gebbia, sous un ciel californien particulièrement bienveillant pour expérimenter les idées entrepreneuriales les plus improbables.

Dans un article publié sur Medium le 2 juillet 2019, le cofondateur et CEO du pionnier français de la conciergerie en ligne Bnbsitter, Piero Cipriano, annonçait le décès de sa start-up… et en donnait surtout l’unique cause d’après lui

… nous ne sommes pas arrivés à survivre aux nouvelles réglementations qui, depuis janvier 2019, subjuguent le marché de la location touristique en France.

Je partage l’avis d’Olivier posté le lendemain de l’eulogie mediumisée

Désolé de voir une startup française mettre la clé sous la porte…, mais je ne comprends pas le fait d’incriminer la loi ELAN, dans un article paru dans l’Écho touristique de cette semaine, vous dîtes que « à Paris, il faut alors débourser plusieurs centaines de milliers d’euros», … S’il s’agit de reverser une taxe de séjour, ces frais concernent d’abord le touriste, vous devriez pouvoir répercuter cette taxe…

En dehors de cette taxe, les formalités de déclaration sont gratuites…, je ne vois pas où est le problème, ni la cause réelle de votre mise en liquidation.. vraiment dommage !

Après avoir levé 2,6 millions d’euros entre sa date de création en 2013 et 2016, Bnbsitter n’avait pas réussi à finaliser ces derniers mois, une nouvelle levée de fonds auprès de ses actionnaires historiques ou de nouveaux VC’s.

Je pense tout simplement que le rachat de Luckey par Airbnb avait dû refroidir plus d’un investisseur ! Game was over!

L’histoire ne dit pas si Frédéric Mazzella, fondateur de Blablacar, quand il a fait un chèque perso à Bnbsitter en tant que business angel, avait rêvé qu’Airbnb rachète un jour Bnbsitter. ÀMHA peut-être bien que oui, car cela aurait été certainement la seule façon de réussir son exit.

Quand vous avez choisi la stratégie du Buphagus Parisianus, il n’y avait pas beaucoup d’autres options pour garantir l’envolée de votre start-up. Si Airbnb est un hippopotame dans notre parabole, alors le mammifère semi-aquatique avait choisi l’oiseau qui allait le représenter officiellement pour effectuer toutes les tâches de nettoyage de ses parasites.

Les autres vertébrés tétrapodes bipèdes ailés étaient condamnés à terme à une sous-activité chronique débouchant inéluctablement à une lente agonie… easy to guess. Dans ces conditions, la liquidation était certainement la moins mauvaise des solutions.

D’une manière générale, ce n’est jamais une bonne idée de construire votre start-up sur un terrain qui ne vous appartient pas, encore moins si c’est un château de cartes.

Bnbsitter se voulait être elle-même une plate-forme à la Uber, mettant en relation des loueurs de biens immobiliers avec des concierges amateurs indépendants au casier judiciaire vierge.

Bref, une nouvelle plate-forme bâtie sur une première plate-forme, Airbnb.

Intuitivement, l’exprimer comme cela, on pouvait imaginer la solidité plus qu’incertaine de la structure…

Si il y a un célèbre entrepreneur multirécidiviste qui en a fait les frais à la première personne, c’est Loïc Le Meur avec feu sa start-up Seesmic. Il a raconté son expérience notamment dans cet extrait d’un article lu dans le Petitweb du 17 septembre 2018, intitulé Devenir Loïc Le Meur, en 5 bullet points

“Je me suis basé uniquement sur la techno de Twitter. Et un jour ils ont arrêté l’API. J’avais 22 développeurs qui ne faisaient que ça. J’ai dû appeler mes investisseurs et on a pivoté en quelques heures.” Ce qui reste de Seesmic a été absorbé par Hootsuite. Sa conclusion : “Ne jamais construire dans le jardin des autres et si vous le faites, avoir le pied dans plusieurs jardins”. (Les mots en gras sont de mon fait)

Voilà qui je l’espère, devrait servir de vaccin de rappel à un bon nombre de primo-entrepreneurs et de les faire réfléchir à deux fois, avant de vouloir jouer au piquebœuf, qu’il soit à bec jaune ou à bec rouge

Post Mortem-Scriptum

Quand on tape bnbsitter dans Google aujourd’hui, on tombe au tout début de la première page des résultats de la recherche, sur un lien sponsorisé pour… Luckey.

Décidément, rien ne se perd et tout se recycle aussi dans ce bas monde numérique !

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Analyse Post-Mortem de Bnbsitter (11 juillet 2013-27 juin 2019) ou la stratégie éphémère quitte ou double du Buphagus Parisianus…

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