Nous ne pouvons apprécier la valorisation de Lyft, 22,4 milliards de dollars après sa première journée de cotation au NASDAQ vendredi 29 mars 2019, par sa capacité supposée ou espérée ou fantasmée à devenir profitable un jour prochain. Ce serait même fort peu probable du propre aveu de ses dirigeants.
C’est ce qu’ils déclarent, page 10 dans la section Risk Factors Summary de leur formulaire S-1 à destination des actionnaires non initiés
We have a history of net losses, and we may not be able to achieve or maintain profitability in the future;
En février 2019, Lyft avait 30,3 % du marché américain des Véhicules de Tourisme avec Chauffeur ou VTC et Uber 67,3 %, d’après Second Measure. Les deux start-up californiennes de ce duopole de fait, ont perdu cumulativement 2,711 milliards de dollars, rien qu’en 2018, pour acquérir/conquérir ces presque 100% de parts de marché, 97,6 % exactement, soyons précis.
Malheureusement ce ne sera pas suffisant pour stopper leur hémorragie de cash.
Seule la création d’un véritable monopole permettrait de fixer arbitrairement à la hausse les prix des courses et de rendre l’activité enfin rentable.
L’entrée en bourse de Lyft est un épiphénomène dans une immense partie mondiale de Monopoly. Chaque joueur ne possède individuellement qu’une partie des cartes pour établir une domination totale sur tous les modes de transport, du vélo au VTC en passant par la trottinette électrique, et pourquoi pas les taxis.
Cette nécessité de consolidation ne serait que l’aboutissement pratique de la célèbre phrase de Peter Thiel, également actionnaire de Lyft, dans son livre Zero to One: Notes on Start Ups, or How to Build the Future ?
Monopoly is the condition of every successful business.
Il s’agirait d’une simple réplique sismique en quelque sorte, du trust International Mercantile Marine Company constitué par John Pierpont Morgan au début du XXe siècle. Ce financier aurait été la source d’inspiration involontaire de la création de la mascotte du Monopoly, Rich Uncle Pennybags.
Un consultant en transports, Hubert Horan, a mis en lumière justement cette stratégie de constitution d’un monopole, qu’il prête aux investisseurs de Uber. Il l’explique à travers un document de 73 pages librement accessible intitulé Will The Growth of Uber Increase Economic Welfare? publié initialement dans Transportation Law Journal
The major findings of Section III are that monopoly power and the potential for sustainable rent-extraction has always been the central objective of Uber’s investors, that Uber’s investors could not earn returns on their $13 billion investment without the ability to exploit anti-competitive market power, and that several features of Uber’s business model that provide limited value today would become substantially more important with quasi-monopoly industry dominance.
Mais qui contrôle aujourd’hui l’immense marché intérieur chinois dominera demain le monde
Si vous voulez savoir à quoi ressemblera le futur, vous devrez vous rendre en Chine et observer Didi Chuxing Technology Co., précédemment nommée Didi Kuaidi.
Il lui suffirait encore de quelques travaux de consolidation à la sauce traditionnelle chinoise aigre-douce afin de créer THE plate-forme mondiale d’accès exclusifs à tous les modes de transport, accessible à partir de votre smartphone. Elle permettrait de constituer une rente éternelle à ses investisseurs.
La société chinoise présidée par Jean Liu ou Liu Qing, née en 1978 à Beijing, est déjà parvenue à ce nirvana des affaires en Chine. Elle y possède une part de marché des voitures personnelles partagées de 80% et de 99% pour les taxis.
Didi Chuxing Technology Co. a injecté 100 millions de dollars dans Lyft et possède un siège au conseil d’administration de Uber, depuis son rachat de sa filiale chinoise pour un milliard de dollars. Dans cette opération croisée, Uber est devenue actionnaire de Didi Chuxing Technology Co..
Didi Chuxing Technology Co. pourrait profiter d’une future baisse substantielle des cours de Lyft et de Uber après leur introduction respective au NASDAQ et au New York Stock Exchange, comme annoncée dans mon précédent post, pour prendre le contrôle des deux acteurs du duopole américain.
Toujours non cotée, elle serait la dernière à tenir debout après un krach et remporterait définitivement cette partie de Monopoly.
À Suivre…